L'éCONOMISTE PHILIPPE AGHION APPELLE à "RéDUIRE LA VERTICALITé DANS LES ENTREPRISES"

Comment améliorer la démocratie, en cette période marquée par les élections européennes et législatives en France et la poussée de l'extrême droite? La question n'est pas seulement l'affaire des partis et des institutions, mais aussi des entreprises, estime l'économiste Philippe Aghion, professeur au Collège de France.

"La France souffre d'un manque de dialogue social", assure Philippe Aghion, aussi membre du Cercle des économistes, invité de BFM Business ce vendredi 5 juillet. "Il faut qu'il y ait davantage de participation des employés à la vie de l'entreprise, d'intéressement aux bénéfices, mais également qu'ils soient davantage partie prenante aux décisions."

"En Allemagne, c'est très naturel que des salariés fassent partie des conseils de surveillance et d'administration. Chez nous, ce n'est pas dans notre culture", ajoute-t-il.

Favorable à la "cogestion" dans les entreprises

L'économiste estime que la CFDT, premier syndicat de France, a pourtant tendu la main pour favoriser le dialogue, mais que celle-ci "n'a pas été saisie". Philippe Aghion invite à aller vers un modèle à la scandinave et à l'allemande, qui promeut un système de gestion paritaire dans l'entreprise.

"Il n'y a pas de raison qu'il ne puisse pas y avoir de cogestion en France", juge-t-il.

L'économiste va plus loin et dresse un parallèle avec la sphère politique. "Il ne faut plus que ce soit le secrétaire général de l'Élysée qui décide de tout. Ça, c'est terminé, cela doit se faire au Parlement, entre les partis. Et de la même manière qu'il faut réduire la verticalité du pouvoir politique, il faut réduire la verticalité dans les entreprises", plaide-t-il. Selon lui, il faut donc aussi "plus de démocratie dans l'entreprise".

Impact politique de l'organisation du travail

D'autant plus qu'un lien existe entre la vie en entreprise et le vote des salariés. "Il y a un impact politique de l'organisation du travail", assure Thomas Coutrot, chercheur associé à l'Institut de recherches économiques et sociales (IRES).

"Le vote Rassemblement national est fortement corrélé à l'impossiblité de s'exprimer au travail, par des réunions organisées", explique-t-il.

"Ces électeurs qui n'ont pas l'occasion de s'exprimer dans leur travail, vont d'une certain façon compenser par une expression de colère, un sentiment d'impuissance et de rage qui va s'exprimer dans les urnes", complète le spécialiste.

Par ailleurs, un salarié très contraint, soumis à des ordres sans pouvoir procéder à des ajustements, va adopter une attitude de soumission et de passivité, ce qui va là encore avoir des conséquences sur le plan politique. "Ce sentiment d'impuissance dans l'organisation du travail va vous amener à vous sentir aussi impuissant dans la cité, et donc à ne pas juger utile d'aller voter", pointe Thomas Coutrot.

En résumé, plus de démocratie en entreprise doit favoriser la démocratie tout court et une meilleure participation à la vie politique du pays.

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