DEVANT L’HYPOTHèSE D’UN GOUVERNEMENT NFP, LES PATRONS SOMBRENT DANS L’ANGOISSE ET LA PARALYSIE

Voilà deux semaines que les dirigeants politiques du pays se donnent en spectacle. Une commedia dell'arte faite de pantomimes, claquements de porte, hurlements et revirements. Arrivée en tête avec 182 élus divisés en quatre groupes et sans majorité absolue (289 députés), la coalition verte-rose-rouge du Nouveau Front populaire (NFP) revendique Matignon. Son projet économique ? Une grande chasse aux « riches ». Comprenant une fiscalité confiscatoire pour les entreprises et leurs dirigeants, il consisterait à revenir sur sept ans d'une politique de l'offre qui a permis de réduire le chômage et d'attirer les investisseurs.

« Bourgeois, patrons, attention on arrive ! » titrait récemment le quotidien communiste L'Humanité. Eh bien, il faut croire que les patrons ont compris le message cinq sur cinq, même en l'absence d'un Premier ministre NFP. Du moins ceux des 5 500 entreprises de tailles intermédiaires (les ETI, qui emploient entre 250 et 4 999 salariés et dégagent un chiffre d'affaires d'au moins 1,5 milliard d'euros). Autant de sociétés ancrées sur le territoire national, familiales pour la plupart, et qui, selon l'Insee, salarient 3 millions de personnes et génèrent 30 % du chiffre d'affaires total du tissu entrepreneurial français.

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Le dernier sondage commandé par le Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (Meti) auprès de ses membres témoigne de leur profond désarroi. « Avant la dissolution de l'Assemblée nationale, 85 % des ETI avaient initié ou s'apprêtaient à engager des investissements supérieurs à 2 millions d'euros en France, rapporte le mouvement patronal. L'enveloppe associée s'élevait à 11 millions d'euros en moyenne et le nombre d'emplois générés à 50. » Des chiffres prometteurs, et même records, qui montraient un haut niveau de confiance dans le maintien de mesures visant à améliorer la stabilité fiscale et sociale du pays.

60 % des ETI ont choisi de suspendre leurs investissements en France

Or, depuis le 7 juillet, que voit-on ? « La donne politique actuelle a porté un coup de frein sec à cette dynamique : seules 6 % des ETI ont la ferme intention de maintenir l'intégralité des investissements initiés ou prévus en France cette année, poursuivent les auteurs de l'enquête. Pour la majorité, la pause s'impose : 60 % des ETI ont à ce stade choisi de suspendre tout ou partie des investissements. » 55 % des ETI annoncent avoir réduit les enveloppes qu'elles avaient prévues pour des investissements dans l'Hexagone. Et, plus alarmant encore, 28 % d'entre elles affirment les avoir réorientées, en tout ou partie, vers d'autres pays. Enfin, 12 % des ETI ont d'ores et déjà choisi d'arrêter, pour partie au moins, leurs investissements.

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Interrogés précisément sur le projet porté par la gauche d'une revalorisation du smic à 1 600 euros nets par mois, les dirigeants se montrent particulièrement inquiets. Pour faire face à cette augmentation de 7 % à 10 % de leur masse salariale selon les cas, 40 % des ETI augmenteraient leurs prix à la vente, 24 % diminueraient leur masse salariale et 14 % réduiraient leurs investissements. Pis, 6 % des dirigeants interrogés estiment que leurs entreprises seraient trop fragiles pour faire face à une telle mesure et qu'elles risqueraient de mettre la clef sous la porte. Autrement dit : cette mesure phare du programme du NFP, présentée comme une avancée sociale majeure, risquerait au contraire de détruire des emplois.

En quelques semaines, les dirigeants sont passés de l'enthousiasme à la morosité

« Alors qu'elles avaient commencé l'année avec une ambition marquée pour 2024, les ETI voient donc leurs perspectives pour le moins contrariées, et avec elles celles de toute une série de fournisseurs et sous-traitants pour lesquels elles jouent un rôle structurant au sein de la chaîne de création de valeur, notamment dans le secteur de l'industrie », concluent les auteurs.

« Ma grande peur, c'est que nos successeurs vont défaire tout ce qu'on a fait pendant sept ans pour aider les entreprises et réduire le chômage », nous confiait récemment un membre de l'équipe de Bruno Le Maire, à Bercy. Un entrepreneur emblématique de la Tech française était lui aussi soucieux. « Cela fait quinze ans qu'on fait tout pour faire monter la capacité entrepreneuriale de la France, on a lancé le mouvement des Pigeons, convaincu les pouvoirs publics, etc. La flat tax a fait beaucoup pour flécher les capitaux vers les entreprises? Quand je pense que tout risque d'être effacé, les bras m'en tombent. » Il faut croire que les dirigeants d'ETI partagent, pour le moment, ce diagnostic. Ils sont passés, en seulement quelques semaines, de l'enthousiasme à la morosité.

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