EMMANUEL MACRON TENTE DE REPRENDRE LA MAIN DANS UN CONTEXTE SOCIAL EXPLOSIF

À la veille d'une nouvelle journée de mobilisation, Emmanuel Macron va prendre la parole sur TF1 et France 2, ce mercredi, pour rappeler que la réforme des retraites s'appliquera - la date choisie est 1er septembre -  car elle a été approuvée par le Parlement et qu'elle est donc « légitime ». En choisissant les journaux de 13 heures, il  fait, selon les observateurs, le « choix des territoires » et s'adresse « à la France péri-urbaine qui travaille », comme il a déjà pu le faire au marché de Rungis le 21 février dernier. De plus, si le format de l'interview a été choisi, c'est qu'il apparaît bien moins formel que celui d'une allocution. L'enjeu : convaincre que cette réforme est indispensable et calmer la colère des manifestants.

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« Un changement de méthode » et un nouvel « agenda des réformes »

Voilà pour la forme. Sur le fond, il ne faut s'attendre à rien de spectaculaire. On sait déjà ce qu'il ne va pas dire :  Il ne faut évidemment pas s'attendre à ce qu'il retire le texte ni, comme il l'a annoncé à son entourage, retirer sa confiance à Elisabeth Borne, sa Première ministre, ou convoquer un référendum. Sans doute prendra-t-il le temps d'expliquer pourquoi la France ne pas faire l'économie de cette réforme. Néanmoins, on peut s'attendre de la part du chef de l'Etat qu'il donne des gages d'apaisement face à la « colère » des Français qu'il faut écouter.

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Vers un nouveau projet de loi sur l'emploi

Ainsi, selon l'un des participants aux réunions qui se sont tenues hier, le chef de l'Etat a demandé à ses troupes de faire « d'ici à deux à trois semaines » des « propositions » en vue d'un « changement de méthode et d'agenda des réformes ». De nouvelles lois explosives vont ainsi être débattues. Le ministre du Travail, Olivier Dussopt, a ainsi annoncé au micro du Sud Radio que des « mesures qui ne relèvent pas de la réforme des retraites » étaient en préparation dans un nouveau projet de loi sur l'emploi. Des ministres plaident pour des mesures plus sociales alors que le débat autour de la loi sur l'immigration, qui devait avoir lieu à partir du 1er mars, a été reporté.

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La contestation se poursuit un peu partout en France

Cette prise de parole et les gages d'apaisement seront-t-ils suffisants pour apaiser la colère de la foule à qui il conteste toute « légitimité » ? Rien n'est moins sûr : la contestation se poursuit un peu partout en France, avec de nouvelles manifestations, parfois émaillées de tensions. À Paris, un face-à-face tendu avec échanges de jets de projectiles et de gaz lacrymogènes a opposé quelques centaines de personnes aux forces de l'ordre place de la République, mardi soir, à l'issue d'un rassemblement syndical qui a réuni jusqu'à 3.500 manifestants, selon la préfecture de police. Des manifestants ont également joué au jeu du chat et de la souris avec les forces de l'ordre dans le quartier de la Bastille. Au total 46 personnes ont été interpellées, selon un bilan policier donné avant minuit. D'autres manifestations ont eu lieu à Grenoble, Rennes, Lille ou Nantes où des incidents, dégradations et échauffourées ont été recensés, notamment au fil de cortèges sauvages. Lors des manifestations de lundi soir, près de 300 personnes ont été interpellées, dont 234 à Paris.

Selon le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, « plus de 1.200 » manifestations non déclarées, « parfois violentes », se sont ainsi déroulées sur tout le territoire depuis jeudi. Il a annoncé que « 12.000 policiers et gendarmes » seraient mobilisés demain, lors de la nouvelle journée de mobilisation, dont « 5.000 à Paris ». Entre 600.000 et 800.000 manifestants, dont 40.000 à 70.000 à Paris sont attendus par les autorités.

En outre, des permanences politiques ont fait l'objet de dégradations, dont celles de LR à Amiens, du député Horizons de la Marne, Xavier Albertini, à Reims ou de son homologue LR Xavier Breton dans l'Ain. Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, s'est dit inquiet de la « colère » et des « violences » qui pourraient s'exprimer du fait de l'adoption d'une loi qui n'avait « pas de majorité à l'Assemblée ».

Des incidents ont éclaté devant le dépôt pétrolier de Fos-sur-Mer après la réquisition de salariés

En parallèle des manifestations, les mouvements de grève se poursuivent dans certains secteurs. Outre la grève reconductible des éboueurs dans plusieurs villes dont Paris, environ 12% des stations-service de France sont à court d'essence ou de gazole et 6% à sec. Les pénuries touchent particulièrement le Sud-Est, notamment le Gard (48% de stations en difficulté) et le Vaucluse (42%). Le manque de carburants touche également quelques départements de l'Ouest, comme la Loire-Atlantique ou l'Ille-et-Vilaine.

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De plus, des incidents ont éclaté mardi devant le dépôt pétrolier de Fos-sur-Mer, où les autorités ont procédé aux premières réquisitions de personnels en grève contre la réforme. Plusieurs centaines de syndicalistes, principalement de la CGT, ont bloqué un des accès au site et allumé des feux de palettes. Selon la préfecture de police, trois des CRS déployés sur les lieux ont été « sérieusement blessés », dont deux au moins ont été transférés à l'hôpital de Martigues. En début d'après-midi, les manifestants ont finalement reculé, le calme est revenu et, selon la préfecture de police, le dépôt fonctionnait normalement.

Les forces de l'ordre sont également intervenues dans la nuit de lundi à mardi pour débloquer le terminal pétrolier de Donges (Loire-Atlantique), occupé depuis une semaine par des grévistes, pour faciliter le déchargement d'une cargaison de gasoil. Au Havre, tous les accès à la zone industrielle ainsi que celui du port ont été bloqués mardi matin.

En ce qui concerne les raffineries, seule une sur les quatre de TotalEnergies est actuellement en fonctionnement, à Feyzin près de Lyon - mais d'où les grévistes empêchent d'ailleurs tout carburant de sortir. Sa plus grande, en Normandie, s'est arrêtée ce week-end, et deux autres (Donges, La Mède) sont arrêtées pour des raisons autres que la grève. La seule raffinerie française de la société Petroineos à Lavéra (Bouches-du-Rhône) s'est également arrêtée à cause de la grève.

Les deux raffineries d'Esso-ExxonMobil tournent encore : celle de Fos-sur-Mer fonctionne en débit minimal; celle de Port-Jérôme-Gravenchon, qui commençait à manquer de pétrole à raffiner, en a reçu lundi, selon la CGT, mais les expéditions restent selon lui bloquées.

Un jeudi noir dans les transports

Par ailleurs, à la veille de la nouvelle journée de mobilisation, jeudi 23 mars, réserver un train dans les prochains jours se révèle aussi très compliqué, sinon impossible tant ceux qui circulent ont été pris d'assaut. La RATP prévoit, de son côté, un trafic « très perturbé » dans les transports de la capitale et de sa proche banlieue. Les compagnies aériennes sont aussi contraintes d'annuler une partie de leurs vols. « Rien n'entame la détermination des travailleurs », a prévenu la CGT.

Politiquement aussi la pression ne retombe pas, après l'utilisation du 49.3 pour faire passer la réforme sans vote. Le rejet de la motion de censure à seulement neuf voix près a redonné de l'énergie aux oppositions. Jean-Luc Mélenchon (LFI) a estimé mardi soir qu'Emmanuel Macron « a mis le feu et fermé toutes les issues » en « passant en force » la réforme. « Il y a à l'Elysée un artificier qui se balade sur les tonneaux de poudre avec une torche », a réagi sur Twitter le chef des socialistes Olivier Faure, qui signe avec 2.500 élus PS une lettre ouverte au président publiée sur le site du JDD pour réclamer le retrait de cette réforme qui « dynamite notre contrat social ». « Le problème, c'est le président de la République », a aussi estimé le chef des députés LR, Olivier Marleix.

La gauche demande notamment un référendum d'initiative partagée (RIP), dont les Sages doivent examiner la recevabilité. Elle compte aussi sur le Conseil constitutionnel, saisi de la réforme. Le Rassemblement national a déposé mardi son propre recours pour que ce texte « soit mis à la poubelle » et Marine Le Pen a prévenu qu'elle ne participerait pas à « éteindre le feu » de la contestation.

(Avec AFP)

2023-03-22T08:51:40Z dg43tfdfdgfd