TROTTINETTES à PARIS : CIRCULEZ, IL N’Y A PLUS RIEN à VOIR ?

En janvier, la maire de Paris, Anne Hidalgo, a annoncé que la ville organiserait une votation sur leur interdiction. Les associations Clean Cities et Respire se positionnent pour plus de réglementation, mais contre l'interdiction.

Un outil efficace contre la pollution de l'air

En tant qu'associations de lutte contre la pollution de l'air, nous considérons qu'aucune mesure ne doit être écartée lorsqu'il s'agit de réduire nos émissions de polluants atmosphériques. Or, nous connaissons les effets sur la santé de la pollution atmosphérique, principalement due au transport routier - elle est liée à plus de 300 000 décès prématurés par an en Europe, dont 2 500 à Paris, ainsi qu'à toute une série de maladies et d'affections, notamment l'asthme, la démence, les accidents vasculaires cérébraux, les maladies pulmonaires, les problèmes de santé mentale chez les adolescents, le cancer, la maladie de Parkinson et les fausses couches.

Depuis quelques années, les trottinettes électriques en libre service se sont avérées très populaires, notamment à Paris. Elles offrent une alternative souple pour les personnes qui ont besoin de se déplacer de porte à porte, y compris dans l'urgence. Bien qu'elles se substituent principalement à la marche ou aux transports en commun (métro, bus), elles participent aussi à réduire l'usage de véhicules motorisés. Une récente étude (1) montre que près d'un  trajet sur cinq est un report modal des modes motorisés vers les trottinettes en libre service. Ce chiffre tend à être de plus en plus vertueux, puisque le report modal tend  à diminuer depuis la marche et à augmenter depuis les modes motorisés, en particulier les VTC (9% de report estimé en 2022). Un niveau de report modal des engins motorisés sur la trottinette en libre service proche de celui observé en Angleterre par exemple.

Lady Florence Norman, militante et suffragette sur son scooter en 1916, se rendant à son bureau de Londres.

Une régulation à renforcer

Le fort engouement pour ce mode pas si nouveau - on trouvait des "autoped" à Londres et New York dès 1915 - a, sans aucun doute, généré de nouveaux défis pour la capitale (utilisation des trottoirs au détriment des piétons, trottinettes jetées dans la Seine, mauvais stationnement etc.).

Ces difficultés doivent être résolues.

C'est pourquoi ailleurs en France les élus des villes concernées se sont emparés du débat sur la réglementation, réclamant un renforcement aux opérateurs afin d'en améliorer l'usage. Plusieurs pistes ont déjà été mises en avant et vont dans le bon sens : délivrance de plaques d'immatriculation, création d'espaces de stationnement réservés, limitation de vitesse à 20 km/h, limite d'âge de 18 ans pour les conducteurs ou encore patrouilles régulières/contrôle à distance des opérateurs du bon stationnement des engins. C'est d'ailleurs sur ce dernier point que les opérateurs ont la plus forte marge de progression, comme l'a pointé la mairie de Marseille(2). La Métropole lyonnaise, qui fait figure de pionnière en matière de régulation, a aussi imposé une exigence environnementale aux opérateurs (durée de vie des engins, usage d'énergies renouvelables pour la charge, réutilisation des batteries).

Le très attendu plan national du gouvernement serait inspiré de reprendre ces mesures en harmonisant les règles dans l'hexagone, y compris en matière de sécurité. Par ailleurs, on pourrait aussi évaluer le nombre d'appareils en libre service dans les villes, après une croissance probablement trop rapide (Paris à plus de 3 fois plus d'engins que Lyon). Toutefois, ce qui manque principalement aujourd'hui, c'est une application efficace de la loi : contrôles et sanctions envers les utilisateurs qui ont un comportement dangereux.

L'interdiction est une piste noire

Nous estimons qu'une interdiction pure et simple des trottinettes en libre service serait à ce stade contre-productive et nous ferait perdre du temps dans la lutte contre la pollution atmosphérique. Pour le portefeuille et pour la planète, la propriété privée de nos véhicules peut poser question et le partage des usages est à privilégier. Combattre le modèle de la voiture individuelle passe aussi par un changement de paradigme qu'offrent ces nouveaux usages. Ils sont notamment privilégiés par les jeunes générations qui voient moins d'intérêt dans la possession d'un véhicule que dans son usage (sur un sujet différent, le covoiturage est par exemple devenu "une évidence" pour près d'1 jeune de 18-24 ans sur 3).

Des flottes de trottinettes et vélos électriques mieux réglementées, correctement entretenues, facilement disponibles, abordables et respectueuses de l'environnement doivent pouvoir contribuer à changer nos usages et à réduire la place de la voiture dans nos villes. Nous espérons que les parisiennes et les parisiens partageront cette vision au moment de glisser leur vote dans l'urne le 2 avril prochain.

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(1) Institut 6t pour la ville de Paris (mai 2022) "Étude sur les usages et usagers de la micromobilité à Paris Agence de la Mobilité de la Ville de Paris Mai 2022"

(2) France Bleu.fr  (déc. 2022) "La mairie de Marseille dit stop aux trottinettes mal garées et enlève des dizaines d'engins en libre-service"

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