«LA FRANCE EST EN TRAIN DE S'EFFONDRER», ENTRE RéCESSION ET CRISE POLITIQUE DRAMATIQUES

La France bascule peu à peu en récession, avertit notre chroniqueur Marc Touati, président du cabinet ACDEFI. Et encore, si la réforme des retraites devait être abrogée par le gouvernement, une spirale dévastatrice de hausse des taux, de récession et de chômage achèverait d’assombrir le tableau.

En dépit de la torpeur de l’été, nous sommes toujours là : toujours là pour vous ! Pour vous dire la vérité économique et notamment sur celle de la France. Et malheureusement, celle-ci est de plus en plus dramatique : la récession en France se confirme et la crise politique s’envenime avec désormais le risque de l’abrogation de la réforme des retraites. Un cas de figure qui aurait de graves conséquences sur la crédibilité de la France, sur les taux d’intérêt, sur l’activité économique et le chômage. Mais avant même d’en arriver là, les derniers indicateurs avancés de l’activité économique hexagonale ont tout simplement été catastrophiques.

A commencer par les indices des directeurs d’achat qui, en dépit d’un léger mieux dans les services (à 50,7), restent en zone de récession dans l’industrie et pour l’ensemble des secteurs d’activité, avec des niveaux de respectivement 44,1 et 49,5. Mais il y a bien pire. En effet, alors que jusqu’à mars dernier, les indices INSEE du climat des affaires et du climat de l’emploi ont plutôt bien résisté, ils ont commencé à reculer en avril-juin, puis se sont littéralement effondrés en juillet. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Au cours du mois écoulé, l’indice INSEE du climat des affaires, indicateur avancé de la croissance économique française, a chuté à un niveau impressionnant de 93,9, un plus bas depuis février 2021.

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Vers un plongeon massif du PIB français et le retour de la récession en France

Hors période Covid, il faut même remonter à décembre 2014 pour trouver un niveau inférieur. Pour information, il faut rappeler que la moyenne de long terme de cet indice est de 100. C’est dire l’ampleur des dégâts. D’ailleurs, comme le montre le graphique ci-dessous, une telle dégringolade annonce un plongeon massif du PIB français et le retour de la France dans la récession. Et ce, d’autant que tous les secteurs sont concernés par cette débâcle : 95,5 dans l’industrie, 95,2 dans les services, 98,9 dans le bâtiment, 93,8 dans le commerce de détail et 92,4 dans le commerce de gros. Pour ceux qui osent encore annoncer que les JO vont doper la croissance française, il serait bon de se réveiller !

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Le taux de chômage en France pourrait grimper à plus de 8,5% d’ici 5 mois

En outre, conséquence logique de cette baisse d’activité, l’indice INSEE du climat de l’emploi a également fortement baissé, tombant à 96,2, un plus bas depuis avril 2021 et depuis mars 2015 si l’on exclut la période Covid. Or, il faut rappeler qu’au printemps 2015, le taux de chômage français était de 10,5% ! Aussi, comme le montre le graphique ci-dessous, il faut se préparer à une forte augmentation du taux de chômage au cours des prochains mois, qui pourrait dépasser les 8,5% d’ici la fin 2024.

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Une annulation de la réforme des retraites aurait des répercussions en cascade sur l’économie française

D’ailleurs, sans attendre cette triste perspective, le nombre de chômeurs de catégorie A inscrits à France Travail a encore augmenté notablement en juin 2024, atteignant 3,043 millions de personnes, un plus haut depuis octobre 2022. De quoi imaginer ce qui nous attend avec la crise politique actuelle et a fortiori si la réforme des retraites (qui était pourtant loin d’être la panacée et qu’il faudra inévitablement améliorer) est abrogée. Les conséquences seront immédiates et graves : dégradation de la note de la France, explosion des taux d’intérêt des obligations d’Etat, aggravation de la récession et nouvelle hausse du chômage, puis nouvelle flambée des déficits et de la dette de l’Etat, entraînant une spirale particulièrement pernicieuse.

Et ne l’oublions jamais : s’il faut réformer le système des retraites «à la française», ce n’est pas pour faire plaisir aux agences de notations ou à Bruxelles, c’est tout simplement pour le sauver. D’ores et déjà, en dépit de prévisions hautement optimistes en matière de croissance et d’emploi, le Centre d’Observation des Retraites (COR) annonce un déficit structurel des retraites françaises proche de 10 milliards d’euros par an. Mais, attention, ces chiffres font fi des surcotisations versées par l’Etat pour équilibrer le régime de retraite de la fonction publique (agents de l’Etat, fonction publique territoriale et hospitalière, régimes spéciaux de la SNCF ou de la RATP, fonctionnaires détachés de La Poste ou d’Orange…), qui atteignent entre 30 et 50 milliards d’euros chaque année !

Autrement dit, actuellement, chaque année, le système des retraites des fonctionnaires accuse un déficit de 30 à 50 milliards d’euros. Et pour cause : selon les chiffres très officiels de l’INSEE, la fonction publique emploie au total 5 726 700 agents, y compris les contrats aidés (fin 2022), soit 1 million d’agents supplémentaires depuis 1997, c’est-à-dire une hausse de 22 %, contre +17 % pour l’emploi dans le privé et +13,5 % pour la population totale… Et, soit dit en passant, malgré cet «essor démographique», la qualité des services publics ne cesse de se dégrader.

L’économie française va au devant de trimestres difficiles

En outre, on recense aujourd’hui environ 5,6 millions de retraités de la fonction publique ! Oui, vous ne rêvez pas : quasiment 1 actif pour 1 retraité ! Il ne faut donc pas être grand clerc pour comprendre que ce système en déficit permanent est voué à la faillite. Refuser de l’admettre c’est placer la France au ban des Nations. Ainsi, une abrogation de la réforme des retraites (qui, encore une fois, est loin d’être à la hauteur) suscitera inévitablement une crise au sein de la Zone Euro entre tous les pays qui ont réformé leur système de retraite (c’est-à-dire la quasi-totalité) et la France qui refuse de regarder la réalité en face. Et ce, d’autant que l’Hexagone est en procédure de déficit excessif et doit présenter un plan budgétaire et structurel de réduction des dépenses publiques au plus tard le 20 septembre prochain. Oups ! A l’évidence, ça va faire mal… Allez, essayez de bien profiter de la période estivale, car les trimestres à venir s’annoncent particulièrement difficiles.

Marc Touati, économiste, président du cabinet ACDEFI, auteur de 8 best sellers économiques, dont RESET II - Bienvenue dans le monde d’après, sorti en septembre 2022.

Marc Touati

Vous pouvez également retrouver ses chroniques vidéos sur sa chaîne YouTube, qui compte plus de 178 500 abonnés, dont la dernière : «France : Retraites, Récession, Bourse : Vers un été destructeur ?»

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