RECORD DE FUSIONS-ACQUISITIONS DANS LES FINTECHS

Après deux années de crise profonde, le bout du tunnel semblait proche pour les fintechs. Les levées de fonds se sont quasiment stabilisées au premier semestre : entre janvier et juin, ces jeunes pousses positionnées dans les services financiers (paiement, banque, assurance, logiciels…) ont ainsi levé 630 millions d’euros (pour 51 opérations), un montant en recul de 6 % par rapport à la même période de 2023, relève l’Observatoire de la fintech. La chute avait été de 58 % en 2023. « Le secteur a atteint un plateau et il pourrait repartir sur de nouvelles bases, dans des conditions de marché politique et économique égales », avance Mikaël Ptachek, le président de l’Observatoire de la fintech.

Car le contexte politique incertain en France n’est pour le moment pas de nature à rassurer l’écosystème de la tech française, largement soutenu ces dernières années par les gouvernements d’Emmanuel Macron. « Un changement de politique peut avoir pas mal d’effets de bord, avertit Mikaël Ptachek. Cela pourrait avoir un impact sur le soutien actuel aux start-up. » « Il y a eu beaucoup de travail de fait et ça peut être abîmé très très vite », s’inquiète le patron d’une start-up de l’assurance.

Accélération des fusions et acquisitions

Malgré un léger mieux, il n’y a pas eu de reprise des « méga » levées au premier semestre. Seul Pigment, qui développe un logiciel de planification financière pour les entreprises est parvenue à collecter plus de 100 millions d’euros (134 millions d’euros). Viennent ensuite, Zama qui met au point un logiciel permettant de protéger les données des blockchains (68 millions d’euros), Greenly, spécialiste de la comptabilité carbone (50 millions d’euros) et Pennylane. Ce spécialiste de la gestion financière en entreprises a levé 40 millions d’euros en début d’année, ce qui lui a permis de devenir une licorne valorisée 1 milliard d’euros.

Ces start-up ont en commun d’être toutes spécialisées dans les services aux entreprises. Ce segment de marché a d’ailleurs raflé la mise ce semestre captant l’essentiel (76 %) des fonds collectés auprès des investisseurs. Un changement par rapport à la période précédente où les start-up des paiements et des assurances étaient celles qui séduisaient le plus les investisseurs. Or, les acteurs de ces deux secteurs, en concurrence frontale avec les grandes banques et compagnies d’assurances, ont du mal à percer et leurs dépenses en marketing pour se faire connaître sont énormes. Ce qui refroidit encore les investisseurs, devenus très frileux et exigeants vis-à-vis du secteur depuis la remontée des taux d’intérêt en 2022.

Résultat, les jeunes pousses qui ne peuvent plus lever d’argent et qui sont à court de liquidités, mettent la clé sous la porte (13 au total au premier semestre). C’est le cas par exemple de l’assureur Luko, ou de la plateforme October, qui a mis à fin à son activité de financement participatif. D’autres, réduisent la voilure en attendant des jours meilleurs, comme PayFit, Ledger ou Spendesk, qui ont réduit leurs effectifs, selon l’Observatoire de la fintech. Enfin, les jeunes pousses qui savent qu’elles n’ont pas la capacité d’atteindre la rentabilité n’ont parfois d’autre choix que d’opérer des rapprochements. Les fusions et acquisitions ont repris de plus belle entre janvier et juin : 33 jeunes pousses de la finance ont changé de main, ce qui ne s’était jamais vu dans ce jeune secteur qui n’a qu’une quinzaine d’années (50 par an ces deux dernières années). « Certaines fusions sont intervenues lorsque des acteurs se trouvaient en difficulté, explique Mikaël Ptachek. D’autres sont assez logiques. Le cycle de vie d’une start-up est souvent de 7 ou 8 ans. La moyenne d’âge des fintechs vendues au premier semestre est de dix ans. »

La baisse des valorisations de ces jeunes pousses depuis la crise du secteur explique aussi le dynamisme des mariages. « Nous assistons à une mutation des opérations de fusions et acquisitions, relève Emmanuel Papadacci-Stephanopoli, vice-président de l’Observatoire de la fintech. Alors que les principaux acquéreurs des start-up étaient en général des grandes entreprises, les acquéreurs sont aujourd’hui davantage soit des fintechs cherchant à accélérer leur expansion à l’étranger ou leur gamme de services ; soit des éditeurs de logiciels. » Société générale vient par exemple d’annoncer la cession de banque en ligne pour les PME Shine à un éditeur de logiciels comptables danois Ageras. De son côté, la banque en ligne des professionnels Qonto a mis la main sur la plateforme de gestion financière Regate.

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